24/05/2012

Français et Algériens : un «  Balgérie » pour fêter 1962 !


Franchement, que rêver de mieux, pour les 50 ans de l'indépendance et de la paix en Algérie, que ce «  Balgérie » organisé le 9 juin sous le chapiteau du Cabaret Sauvage, à Paris ? Ce soir-là, Français et Algériens vont danser sur 50 ans de chansons fredonnées de part et d'autre de la Méditerranée. Un pari génial de trois amis inséparables mordus de musique sans frontière.


Pas sûr que les généraux de Paris ou d'Alger viennent danser le 9 juin au « Balgérie » mais peu importe. Quelle fantastique idée de « rappeler en musique que l'Algérie participe de l'identité de la France et vice versa », comme disent les organisateurs.

Ils sont trois. Il y a d'abord David Queinnec, 45 ans, car l'idée vient de lui, disent les deux autres. Lui, il a notamment à son actif la réouverture du Centre Culturel Français de Tlemcen après les années noires du terrorisme. Il y a Stéphane  Gotkowski, 54 ans, le père et l'âme du Grand Orchestre de l'Élysée Montmartre, devenu le Paris Bal Rock, qui interprétera tous ces tubes françalgériens le 9 juin. Et il y a Mohand Haddar, 42 ans, programmateur du Cabaret Sauvage et créateur du Festival Newbled dans lequel s'inscrit le bal.

De Serge Lama à Rachid Taha

Qu'ont-ils mijoté pour les quelque 1 200 personnes (c'est la capacité du chapiteau) qui vont se presser au Cabaret Sauvage ? « Beaucoup de tubes, s'enthousiasment-ils :  De «Cette année-Là», à « Ya Rayah » ; de « l’Oriental » à « Rock the Casbah » ; des « Folles années du twist » à « One Two Three, Viva l’Algérie » ; de Khlaled à la Mano Negra, de Serge Lama à Idir, d’Enrico Macias ou Pierre Perret à Gnawa Diffusion, de Jacques Higelin à Rachid Taha... »

Ils sont partis d'une centaine de morceaux ; sont allés croiser leurs préférences avec ceux des Algériens ; se sont aperçus que les deux peuples partageaient bien des chansons ; de plus, comme dit Mohand Haddar, « la nouvelle génération algérienne est sortie du folklore, elle se reconnaît dans les musiques urbaines », celles que l'on aime dans le festival Newbled. Des morceaux algériens ont été ajoutés et des chanteurs algériens vont se joindre pour l'occasion aux dix musiciens et chanteurs du Paris Bal Rock : le chant oriental ne s'improvise pas.

Une amitié créatrice vieille de 20 ans

 Il n'y a d'ailleurs aucun hasard dans tout ça. Seules sans doute une vieille amitié et de solides valeurs communes pouvaient engendrer un tel pari, car c'en est un... « Nous nous retrouvons régulièrement depuis près de vingt ans autour du même intérêt militant pour l'international et les échanges culturels », confie David Queinnec. Et comme ils affichent en plus une créativité débridée...

Stefff Gotkowski, ancien saxophoniste des Garçons Bouchers, donne dans l'évènementiel à l'agence La Lune Rousse ; a piloté la réouverture des Trois Baudets ; lancé le Grand Orchestre qui a fait danser les Parisiens pendant quinze ans à l'Élysée Montmartre et dont il a managé le retour en janvier dernier à l'Olympia. Mohand Haddar, qui est originaire d'Algérie et passionné de musiques électroniques et urbaines, a notamment créé en 2005 le Festival Newbled qui réunit chaque année musiques traditionnelles et urbaines.

L'Algérie a maintes fois alimenté leur imagination : elle est même « le symbole de ce qui nous unit », dit Mohand Haddar. Lui-même et David Queinnec, qui travaille aujourd'hui aux Relations Internationales d'un collectivité locale, ont fêté ensemble l'Année de l'Algérie, en 2003, par un grand concert populaire place Stalingrad, à Paris, avec 110 musiciens du sud-algérien.  Un peu plus tard, à Tlemcen, David Queinnec, qui n'oubliera jamais « les années professionnellement et humainement intenses, exceptionnelles  », qu'il a vécu là-bas de 2005 à 2008, a fait partager sa passion algérienne à Stefff Gotkowski : « C'est grâce à lui que j'ai découvert l'Algérie », confie celui-ci.
 

Soldats, pieds-noirs, coopérants...

C'est d'ailleurs lors d'une discussion à Tlemcen qu'ils ont fait tous les deux ce constat : un Français sur cinq a un lien avec l'Algérie, ce qui, sans compter les proches, fait de l'Algérie le pays étranger le plus présent dans nos vies. Suffit de refaire avec eux le calcul :
 
« Français d’origine algérienne, Algériens vivant en France, coopérants un jour ou des années, Français nés à Alger, Oran ou Tlemcen, appelés du contingent, pieds-noirs, pieds-rouges et leurs descendants... Plus de 10 millions de nos compatriotes, collègues, amis ou voisins, ont avec l’Algérie une relation joyeuse ou grave, revendiquée ou intime, charnelle ou douloureuse, quotidienne ou enfouie dans leur mémoire... »

Tout est dit là de la nécessité que les deux peuples ne laissent pas aux politiques et aux nostalgiques, à la manipulation de l'Histoire et à l'amertume, le monopole de la commémoration des 50 ans de l'Indépendance et de la fin de la guerre. Et tout est dit en même temps de l'audace de leur entreprise.
 

Des émotions à partager

« C'est supercompliqué de célébrer l'indépendance, déclare Steff, c'est très politique et aussi les gens ont du mal : c'est lourd par rapport à tout ce qui s'est passé ; on a voulu trouver un biais. » En même temps, 50 ans après, une autre vie commune s'est bâtie, les nouvelles générations ont une autre histoire.

Par les musiques urbaines, Mohand Haddar observe plus que tout autre le métissage de la société : « Le métissage est quotidien et de plus en plus naturel, souligne-t-il, il n'y a plus les mêmes frontières, le public est beaucoup plus ouvert. » Donc, David Queinnec a vraiment eu une très bonne idée en proposant un jour cette soirée de « musiques et d'émotions partagées ».

Michel Rouger


Renseignements pratiques

Samedi 9 juin, 20 h, au Cabaret Sauvage, Parc de la Villette. Tarif : 16,50 € en pré-vente ; 18 € sur place.
www.cabaretsauvage.com
www.newbled.com


Pour aller plus loin

Des dessins de presse à la BNF

Les Algériens, les Français... et Fellag


 


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